Au moment où le département d’Etat américain fait planer le doute sur un éventuel retour des Etats-Unis à la table des négociations de l’accord nucléaire avec l’Iran, sans toutefois donner de détails, et alors que rien n’a été fait pour proroger/remplacer les accords de désarmement entre USA et Russie, voici un intéressant rappel d’Eugène Berg sur les débuts de la course aux armements entre les « deux grands ».

Le film des événements se déroula vite, à la fin de 1947, Molotov déclarait devant les Nations-Unies, que l’URSS détenait le secret de l’arme atomique. Par la suite, du fait des travaux d’Andreï Sakharov et d’Igor Tamm, qui avaient commencé dès 1948, l’Union soviétique fit exploser un engin de fusion encore rudimentaire et d’énergie réduite, mais la voie était largement ouverte. En effet, le 3 septembre 1949, au cours d’une patrouille de routine du Japon à l’Alaska un avion de reconnaissance américain recueillit à l’est de la presqu’île du Kamtchatka, à 6.000 mètres d’altitude, des échantillons d’air ambiant contenant des fortes doses de radioactivité, ce qui sera confirmé au large des îles britanniques, preuve s’il en était de la propagation des nuages radioactifs !

Nul doute les Russes avaient procédé au Kazakhstan, sur le polygone de Semipalatinsk, d’une superficie de 18 000 km2 à l’expérimentation d’une bombe au plutonium, la RDS-1 d’une puissance de 22 kilotonnes. Entre 1945 et 1946, le budget scientifique de l’URSS tripla ; en 1950 son budget militaire atteignant selon certaines évaluations extrêmes le quart du PNB. Au début Truman a du mal à admettre que les « Asiatiques » aient pu accéder aussi rapidement à la bombe. L’émoi est réel, le Congrès vote des crédits pour augmenter la capacité de production des bombes atomiques. De 7 bombes en 1947, (13 en juillet) et 56 en juin 1948, embarquées à bord d’une trentaine de bombardiers B 29, au début du blocus de Berlin, l’arsenal américain passera à 290 bombes fin 1949 (mais déjà à 520 bombardiers) et 369 à la fin de juin 1950, un peu supérieur à l’arsenal actuel de la France, enfin à 1.000 en 1953 au début de la présidence Eisenhower. La supériorité américaine était écrasante, alors que Kennedy, axa sa campagne présidentielle sur le « missile gap » selon lequel l’URSS aurait acquis la supériorité nucléaire !

Car les armes nucléaires stratégiques des Soviétiques n’eurent pas immédiatement la capacité d’atteindre les États-Unis depuis le sol russe, mais elles l’obtiendront assez rapidement au vu des essais de la bombe atomique RDC-3 larguée depuis un Tupolev-4 en octobre 1951, les engins étant produits en série. A ce moment, en 1952, l’URSS ne disposait que de 6 bombes qu’elle était incapable de projeter sur l’adversaire, chiffre qui est passé à 340 armes en 1955, et plus de 2.200 en 1960. Elle rattrapa assez vite son retard : les Etats-Unis firent exploser, en novembre 1952, leur première bombe à hydrogène-H, (450 fois plus puissante que celle d’Hiroshima) ; l’URSS suivit neuf mois plus tard. Mais les Etats-Unis qui avaient franchi le cap des 2.000 en 1955, en étaient à la fin de la décennie à un total de quelque 20.000 bombes et ogives, dont 6.000 à 7.000 pour le seul arsenal stratégique intercontinental.

Les partisans d’une ligne dure vis-à-vis de l’URSS – on ne disait pas encore des « faucons », expression qui sera utilisée, lors de la crise des missiles d’octobre 1962 – ont reproché à Truman de n’avoir pas utilisé l’arme atomique lors du blocus de Berlin. Le secrétaire à la Défense James Forrestal a le mieux traduit la position de l’administration Truman en répondant : « Vaincre les Russes est une chose. Savoir ce que nous ferions d’eux après est une tout autre affaire ». Une prudence qui ne sera pas suivie par les lointains successeurs de Truman. La course à la puissance était cependant lancée : en mars 1954, les Etats-Unis, firent exploser, sur l’atoll de Bikini, dans les îles Marshall, dont ils assuraient la tutelle stratégique, conformément à l’article 82 de la Charte de l’ONU, une bombe à hydrogène 750 fois plus puissante que « Little Boy », lancée sur Hiroshima.