Le récent référendum sur les modifications de la Constitution russe a été l’occasion de parler à nouveau de la Crimée et donc de la situation en Ukraine. Le référendum s’y est tenu sous la surveillance d’observateurs étrangers, comme sur tout le territoire russe. On y a d’ailleurs vu deux députés européens français bien connus. Le résultat a été du même ordre que celui du 16 mars 2014, 90% des voix pour et 9% contre. Il faut dire que le texte contenait une modification par laquelle les Criméens se sentaient particulièrement concernés : l’impossibilité de céder un quelconque territoire russe à une puissance étrangère. Renoncer à la Crimée, ce à quoi le gouvernement actuel ne consentirait évidemment pas est, en plus, devenu anticonstitutionnel et pour les successeurs des dirigeants actuels.

Malgré tout, les « négociations » continuent sur l’application des accords de Minsk, mais le représentant russe à ces « négociations », Dimitri Kozak, a récemment parlé à leur propos de « théâtre de l’absurde ». Il est vrai que maintenant, le président ukrainien Volodomyr Zelinski commence à parler de « plan B » et même de « plan C » alors qu’en principe, tout devrait tourner autour de la mise en œuvre des accords de Minsk.

A la fin de la dernière réunion avec les autorités ukrainiennes, Dimitri Kozak a même évoqué une sortie possible de l’Ukraine des accords de Minsk. Mais surtout, il a posé des questions fondamentales : « Quel est le but ultime de l’Ukraine ? Quelles conditions et quels mécanismes envisagent-ils pour atteindre ces objectifs ? Je vous assure que, pour l’instant, après cinq ans de négociations, personne n’a d’idées claires sur ces points. » Et d’ajouter : « Jusque début mars, nous avions un espoir raisonnable d’établir un dialogue ouvert et constructif sur les façons de résoudre le conflit. Mais cet espoir s’évanouit rapidement. »

Le conflit du Donbass est maintenant vieux de six ans. Des négociations sans fin et sans volonté d’aboutir ne font que creuser encore plus le fossé entre Kiev et les deux républiques auto proclamées. A-t-on dépassé un point de non-retour ? Certains de mes contacts sur place commencent à le penser. Il faut dire que vivre sous la menace perpétuelle de bombardements n’encourage pas l’optimisme. Mais la volonté de résistance est intacte, donc plus le temps passe et plus il sera difficile de réconcilier les parties et plus l’idée d’un éclatement de l’Ukraine fait son chemin.

Un pays aurait suffisamment de poids pour forcer un accord, mais il a encore trop intérêt à ce que la situation n’évolue pas de façon positive. Ses dirigeants préfèrent continuer à manipuler les différentes composantes du pouvoir ukrainien dans le cadre de leur propre politique intérieure et des élections présidentielles qui approchent. Il n’y a même pas l’ombre d’un espoir de ce côté car Trump ou Biden, le futur président de changera pas la politique étrangère de son pays. On se demande parfois même, dans les cercles qui réfléchissent encore de l’autre côté de l’Atlantique, si cela vaut la peine d’organiser des élections…

La lumière pourrait-elle venir de l’Union Européenne ? Là aussi, peu d’espoirs pour le moment. Le sujet est tellement controversé entre les pays membres que l’on préfère reconduire les sanctions contre la Russie sans vote afin de ne pas faire éclater l’Union. Tout le monde sait que la Crimée est une affaire définitivement entendue pour la Russie. C’est même inscrit dans la Constitution maintenant. Tout accord devrait donc entériner les résultats du référendum de 2014. Bruxelles qui vit dans son monde virtuel n’y est évidemment pas prêt…

Joindre ses efforts pour détruire un pays, Ukraine, Syrie, Libye, pour ne citer que ceux-là, est aisé. Reconstruire est une autre affaire. Il y faut du courage et comme le disait Soljenitsyne en juin 1978 déjà, cette qualité a déserté le monde occidental.