La popularité du président ukrainien ne fait que baisser, pratiquement depuis le jour de son élection. Volodymyr Zelensky , est sous les feux de critiques venant de différentes sources internes au pays. Les modérés et les démocrates lui reprochent de n’avoir pas su apporter la paix qu’il avait promise, pendant sa campagne électorale, au Donbass, et de ne pas avoir lutté contre la corruption des oligarques et des fonctionnaires. Les oligarques et les fonctionnaires lui reprochent sa tentative de lutter contre la corruption. Les nationalistes, les ultra-nationalistes et les néo nazis lui reprochent d’essayer d’imposer la paix au Donbass, que ces derniers voudraient reprendre de force, et d’avoir fait voter par le parlement (Rada Suprême) une loi autorisant la vente des terres agricoles, vente qui était interdite depuis plus de vingt ans. Le dernier point est contesté également par les démocrates modérés et la gauche.
Il essaie également de prendre ses distances avec l’oligarque Igor Kolomoïski et l’ancien président Piotr Poroshenko, sous la pression de l’administration Trump qui veut faire des interventions de l’ancien vice-président Joe Biden et de son fils, une arme dans la campagne présidentielle américaine.
Et voilà que Radio Svaboda, la version ukrainienne de Radio Liberty financée par le gouvernement américain, accuse Zelensky d’avoir rencontré en secret Nikolaï Patrushev, ancien directeur du FSB et actuel secrétaire du Conseil de Sécurité russe. D’après Radio Svaboda, le président ukrainien aurait rencontré Patrushev lors d’un voyage qu’il a effectué au Qatar, au mois de janvier. Dans un premier temps, Zelenski a expliqué qu’il s’agissait d’un voyage privé, quelques jours de vacances avec son épouse, ce à quoi la radio a répondu qu’il avait passé les frais de ce déplacement sur le compte de la présidence. Il se trouve donc pris entre deux feux : soit il a utilisé des fonds publics à des fins privées, ce qu’il reproche aux fonctionnaires corrompus, soit il a essayé de passer un accord secret avec Vladimir Poutine ce qui risque de regrouper encore plus de nationalistes contre lui. Ces partis opposés à tout accord avec la Russie vont des nationalistes de Yulia Tymoshenko et de Petro Poroshenko, aux groupes néo nazis comme « Azov », « C14 » ou « Revansh », en passant par les ultra nationalistes du parti « Svoboda » d’Oleg Tyagnibok ou le « Secteur Droit ». Ils prônent une nouvelle révolution pour « finir le travail de Maïdan ». Tous ces groupes ne sont pas forcément partisans d’une action violente (à part, bien sûr les néo nazis), mais la loi sur la terre pourrait les réunir dans une tentative de renverser le président actuel.
Sur cette situation s’est greffée, la semaine dernière, une affaire rocambolesque de tentative de déstabilisation du voisin biélorusse.
Le gouvernement d’Alexandre Lukashenko a annoncé, le 29 juillet, l’arrestation à Minsk de 33 russes, employés d’une société de sécurité privée, immédiatement accusés de préparer une opération de déstabilisation, à l’approche des élections présidentielles, qui doivent avoir lieu ce dimanche 9 août. L’arrestation a été diffusée en direct à la télévision. L’absence de détails quant aux personnes arrêtées et au motif de l’arrestation a provoqué, pendant une semaine, une avalanche de suppositions dans les médias, en particulier évidemment en Russie et en Biélorussie. Une fois la poussière retombée, il semblerait donc que les employés de la société russe de sécurité Wagner, aient été embauchés par une société pétrolière pour assurer la protection de leurs installations dans plusieurs pays dont la Turquie et la Venezuela. Ils devaient rejoindre ces pays après une escale à Minsk. Une fois arrivés dans la capitale biélorusse, ils ont appris que les billets pour la suite du voyage avaient été annulés. Ils se sont donc installés dans un hôtel, où ils ont été arrêtés.
L’enquête a montré que l’ensemble de l’opération avait été organisée par un service secret ukrainien qui a prévenu la présidence biélorusse de la présence de « dangereux agitateurs ». Ce n’était, d’après eux, que l’élément précurseur d’un groupe de plus de 120 agents russes venus perturber les élections présidentielles. Tout ceci avait été préparé soigneusement. L’appel d’offre pour les services de protection avait été lancé au mois de mai. La soi-disant représentante de la société pétrolière russe qui avait pris contact avec la société Wagner n’avait évidemment jamais travaillé pour le pétrolier russe et les billets avaient été achetés puis annulés par une entité ukrainienne. On a même trouvé des fautes de russe dans les contrats signés.
Alexandre Lukashenko est intervenu à plusieurs reprises sur ce thème dans les médias biélorusse, donnant plus de poids aux accusations. Pourtant, d’après le sénateur Alexeï Pouchkov que les membres de l’Alliance Franco-Russe connaissent bien, le président biélorusse, qui n’est pas un débutant, ne pouvait pas ne pas savoir qu’il s’agissait d’une machination. Ses services pouvaient facilement prendre contact avec leurs homologues russes. Lui-même aurait pu facilement appeler Vladimir Poutine. Il a préféré utiliser la situation à des fins électoralistes.
Cela a été, évidemment, très modérément apprécie à Moscou et c’est Vladimir Poutine lui-même qui a appelé son « collègue ». Personne n’a publié les détails de la conversation, mais Lukashenko cru bon de déclarer ensuite dans une interview télévisée qu’il considérait le président russe comme un « grand frère » avec qui il avait « des conversations très directes, que des mots forts étaient parfois employés mais que le ton ne montait jamais, Vladimir Poutine étant connu pour ne jamais hausser le ton ».
Je ne m’étendrai pas sur la complexité des rapports entre la Russie et la Biélorussie. Ce qui est intéressant ici, c’est l’origine de la manipulation. Il est peu probable que Zelensky soit à l’origine de l’opération. Un de mes contacts sur place pense qu’il devait au moins être au courant. Je ne partage pas cette opinion. L’Ukraine n’avait aucun intérêt dans l’affaire. En revanche, les « protecteurs » du pays sont toujours intéressés par ce qui peut affaiblir les relations de la Russie avec ses alliés. Les Américains, bien sûr au premier chef. Mais on ne peut exclure des Polonais ou des Baltes, nostalgiques de l’« Intermarium », le rêve de Joseph Pilsudsky après la première Guerre mondiale.
,La situation de l’Ukraine ne risque pas de s’améliorer de sitôt. Son instabilité politique intérieure alliée celle des Etats-Unis ne promet rien de bon. D’autant que dans cette période électorale, le pays se retrouve au milieu d’une lutte entre les Démocrates qui reprochent à Donald Trump et son équipe, d’avoir tenté d’utiliser le président ukrainien dans la campagne présidentielle américaine, et les partisans de Trump qui accusent Joe Bident, alors vice-président de Barak Obama, d’avoir fait pression sur l’Ukraine pour faire nommer son fils et un proche de John Kerry, au conseil d’administration de la principale société gazière ukrainienne, Burisma.
George Soros n’est pas en reste non plus. « Euromaïdan Press » financée par sa fondation « Open Society » a lancé une campagne anti-Zelenski qu’elle accuse tout simplement d’être une « marionnette de Poutine ».
Nous allons encore, malheureusement pour elle, entendre parler de l’Ukraine, au moins jusqu’au mois de novembre, avant qu’elle ne devienne, sans doute à nouveau, un autre conflit gelé. Régler le problème de l’Ukraine obligerait à exposer trop de cynisme, de mauvaise foi et de manipulations…
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