Ces dernières semaines, je me suis intéressé au talk-show politique « Soirée avec Vladimir Solovyov », le qualifiant de meilleur de son genre sur la télévision d’État russe et de bon indicateur de l’opinion des élites politiques russes. Cependant, il est temps d’admettre qu’en termes de qualité globale de présentation, de niveau des invités et de projection de vidéos sur les événements d’actualité en Occident, pour éclairer la discussion des invités, Solovyov est maintenant dépassé par le talk-show « Le Grand Jeu » de Vyacheslav Nikonov.
Dans le passé, « Le Grand Jeu » présentait des discussions en direct avec son représentant à Washington, le directeur du think tank « The National Interest », Dmitry Simes. Aujourd’hui, Simes est plus rarement invité et le format de l’émission ressemble davantage à celui d’autres talk-shows politiques. Mais l’animateur, Vyacheslav Nikonov, est un modérateur exceptionnellement doué, qui n’impose pas ses vues aux invités et en fait ressortir le meilleur. Vyacheslav Nikonov est un membre éminent du parlement russe, membre du parti au pouvoir, Russie Unie, et il possède une vaste expérience de la gestion des commissions parlementaires. Petit-fils du révolutionnaire bolchevique Molotov, il est également membre des clans héréditaires au pouvoir et pratique le « noblesse oblige » dans ses activités de service public.
Il convient de mentionner que, parallèlement à l’émission de Solovyov et au talk-show très regardé de Yevgeny Popov et Olga Skabeyeva, « Soixante Minutes », « Le Grand Jeu » est passé d’un événement hebdomadaire ou bi-hebdomadaire à une émission pratiquement quotidienne, avec quelques créneaux horaires l’après-midi et le soir, en fonction de l’évolution rapide de l’actualité.
Nonobstant ce qui précède, Vladimir Solovyov conserve au moins un avantage qui fait qu’il vaut la peine de le suivre. À ma connaissance, il est le seul animateur à sortir du circuit habituel des « têtes parlantes » des universités, des groupes de réflexion et de la Douma. Solovyov présente régulièrement une véritable personnalité du secteur artistique qui côtoie quotidiennement les « classes créatives » et partage avec le public ce qu’il entend d’elles. Il s’agit du directeur général de « Mosfilm », Karen Shakhnazarov.
Au cours des six dernières semaines, j’ai souligné à plusieurs reprises le changement de position de Shakhnazarov à l’égard de « L’opération militaire spéciale en Ukraine ». Au début, il était optimiste. Puis il a craint que l’opération ne se déroule mal et ne devienne incontrôlable. Enfin il a semblé être « tout à fait pour », cherchant les moyens pour la Russie de gagner de manière décisive et rapide.
La nuit dernière, nous avons été témoins d’une nouvelle évolution de sa position. Je la porte à l’attention des lecteurs, car elle est très pertinente devant la passivité totale de notre public, face à des décisions politiques très particulières concernant la Russie. Des décisions qui sont prises aux plus hauts niveaux aux États-Unis et en Europe, sans aucune consultation publique jusqu’à présent.
Pour être plus précis, Karen Shakhnazarov a exprimé son étonnement et sa profonde inquiétude quant au fait que les dirigeants occidentaux aient littéralement « perdu la tête » en prenant des mesures visant à déstabiliser la Russie dans l’espoir de précipiter le renversement de Vladimir Poutine et peut-être même la désintégration de la Russie d’une manière similaire à la dissolution de l’URSS à la fin de 1991. Shakhnazarov a fait remarquer que l’absence totale de bon sens ou de tout autre sens chez Joe Biden était à prévoir en raison de son état de santé (lire : sa sénilité). Mais il a poursuivi en exprimant sa stupéfaction face à la déclaration du chancelier allemand, Olaf Scholz, il y a quelques jours : « La Russie ne doit pas être autorisée à gagner cette guerre ! ». Où est son cerveau ? a demandé Shakhnazarov de manière rhétorique.
Son raisonnement est le suivant : la Russie est la première puissance mondiale en termes d’armes nucléaires. Un renversement de Vladimir Poutine conduirait au chaos, et très probablement à la prise du pouvoir par de véritables radicaux. Leurs penchants agressifs pour la politique occidentale seraient soutenus par la grande majorité de la population russe qui, selon Shakhnazarov, est aujourd’hui pleine d’une véritable haine de l’Occident, provoquée par les sanctions et par la russophobie rampante qui fait aujourd’hui office de politique publique en Europe et aux États-Unis. Si le conflit devait s’aggraver jusqu’à l’utilisation de missiles nucléaires tactiques et au-delà, alors la Russie ne limiterait plus ses frappes aux installations militaires mais viserait volontiers toutes les capitales et les centres de population en Europe et, nous pouvons le supposer, en Amérique du Nord. En un mot, Shakhnazarov assimile la déstabilisation de la Russie à l’Armageddon nucléaire.
Je le répète, ce sont les craintes d’un directeur général russe responsable et d’une grande notoriété dans le domaine culturel. Y a-t-il quelqu’un à l’Ouest ayant un statut comparable qui commence à imaginer la catastrophe à venir, et soit capable d’en parler ?
Avant de conclure, je voudrais attirer votre attention sur un événement majeur survenu en Russie hier après-midi, dont même nos médias occidentaux ont parlé ce matin : le test de lancement du nouveau missile balistique intercontinental russe « Sarmat », qui a établi de nouveaux records en termes de vitesse, de portée, de puissance destructrice de ses ogives MIRV et qui, surtout, est capable d’échapper à tous les systèmes antimissiles connus ou en projet en Occident. L’invulnérabilité du « Sarmat » est en partie due à sa portée, qui s’étend à tous les points de la planète Terre. La trajectoire du « Sarmat » peut être réglée pour passer par le pôle Sud, ce qui lui permet d’échapper aux systèmes de repérage américains, orientés vers une attaquer depuis le Nord-Ouest.
Le « Sarmat » peut se déplacer à 18.000 km/heure. Ses 7 ou 15 ogives nucléaires peuvent également échapper aux systèmes ABM et se diriger vers leur cible à des vitesses hypersoniques. À partir de septembre, le « Sarmat » sera installé dans les silos abritant jusqu’à présent le plus puissant ICBM du monde, le « Voevoda », qui sera progressivement retiré et redéployé comme lanceurs de satellites commerciaux.
Dans ses mots de félicitations aux concepteurs, aux développeurs du projets et aux fabricants du « Sarmat », le président Poutine a souligné l’importance de ces nouveaux armements comme moyen de dissuasion de la Russie à l’égard de ceux qui, à l’Ouest, menacent militairement le pays. Est-ce que quelqu’un écoute ?
Traduction AFR – Source
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