Mikhaïl Gorbachev est mort le 30 août 2022, vers 22 heures, à l’Hôpital Central de Moscou. Il avait 91 ans.
Né le 2 mars 1931 dans la région de Stavropol, dans le sud du pays, entre la Mer Caspienne et la Mer Noir, Mikhaïl Gorbachev ne faisait pas partie de la « couche sociale intermédiaire[1] » comme le mentionne Andrei Gratchev[2].
Il fait des études de droit à l’Université de Moscou (МГУ) où il devient chef du bureau du Komsomol[3] de l’Université avant d’être admis au parti communiste en 1952. C’est là qu’il rencontre celle qui va devenir son épouse, Raïssa, une brillante étudiante en philosophie.
De retour à Stavropol, Mikhaïl Gorbachev y gravira les échelons de l’administration locale jusqu’au poste de premier secrétaire du comité régional du Komsomol, en 1961. Puis, deux ans plus tard, il était à la tête du comité chargé des problèmes d’organisation du comité régional du parti communiste. En 1968, à trente-sept ans, il devenait deuxième secrétaire du comité régional du parti.
Sa progression dans la direction du parti de la région de Stavropol lui permit de nouer des relations haut placées à Moscou, dans des conditions moins formelles qu’il n’aurait pu le faire dans la capitale. En effet, près de Stavropol se trouve la station thermale de Mineralnye Vody ou les dirigeants âgés aimaient venir se soigner. Stavropol était une sorte d’étape sur la route de la station.
C’est ainsi que, par exemple, Mikhaïl Gorbachev fit la connaissance de Iouri Andropov en 1969. Le chef du KGB se prit de sympathie pour le jeune dirigeant local et il protègera sa carrière jusqu’à sa mort. C’est en grande partie à lui que Mikhaïl Gorbachev devra sa progression au plus haut niveau de la hiérarchie à Moscou[4].
En avril 1970, il devenait secrétaire général du comité régional du parti communiste de la région de Stavropol, le plus jeune dirigeant de région de l’Union Soviétique.
Huit ans plus tard, il était nommé à Moscou comme secrétaire du comité central du parti. Il était, de nouveau, le plus jeune occupant de ce poste.
Mikhaïl Gorbachev est nommé secrétaire général du parti communiste d’Union soviétique à un moment où les dirigeants ont conscience que le système est sur le point de se bloquer complètement. D’autre part, le pays sort d’une série de funérailles nationales qui a sérieusement entamé sa résistance. Leonid Brejnev a été remplacé par deux secrétaires généraux qui ont tenu leur poste à peine un an chacun, soit à peu près trois enterrements en trois ans.
Ces deux éléments ont pesé dans la décision de choisir un « jeune » secrétaire. Mikhaïl Gorbachev a moins de 55 ans. Son arrivée provoque immédiatement un espoir extrêmement fort dans l’ensemble de la population. Le lancement de la « glaznost » (la fin de la censure) encourage cet espoir et les stades se remplissent de jeunes qui scandent « peremen ! » (changement !). Toutes les initiatives du nouveau secrétaire général ne sont pas accueillies avec le même enthousiasme, comme par exemple la campagne anti alcoolique lancée dès le mois de mai[5].
Mais Mikhaïl Gorbachev lance aussi la « perestroïka », réforme économique qui autorise la propriété privée dans certaines conditions et aboutira en novembre 1986 à la loi sur les activités de travail individuel et à la création de sociétés privées.
La personnalité du nouveau secrétaire général et les premières annonces vont être à l’origine d’un immense espoir dans une population fatiguée d’entendre de vieux dirigeants répéter sans fin les mêmes discours auxquels plus personne ne croit, pas même ceux qui les prononcent. Les attentes de la population sont alors si fortes qu’elles ne peuvent qu’être déçues.
D’autant que Mikhaïl Gorbachev ne saura pas apporter toute l’attention voulue à la mise en œuvre pratique de ces réformes qui seront combattues silencieusement mais assez efficacement à l’intérieur de l’appareil du parti. La tentative de putsch d’août 1991 sera le point culminant de cette opposition. Beaucoup d’historiens qui le créditeront d’une vue d’ensemble parfois pénétrante lui reprocheront une énorme faiblesse au niveau de l’exécution. D’autre part, l’entourage de Mikhaïl Gorbachev ne put pas s’appuyer sur des expériences comparables antérieures en Russie ou à l’étranger. Le passage de l’économie socialiste à une économie de marché était une grande première. Le secrétaire général a lancé une révolution d’en haut, alors que comme le faisait remarquer Alexandre Soljénitsine, « les révolutions ne peuvent ni ne doivent venir d’en haut ». Elles ne peuvent venir que d’en bas, seules les réformes viennent d’en haut.
Lorsqu’il s’agissait de parler de changement, le consensus était général, chacun n’entendant dans le discours du secrétaire général que ce qu’il voulait bien entendre. Les idées générales provoquaient dans l’esprit de chacun des images qu’il construisait lui-même en fonction de ses rêves et de ses désirs. Mais quand il a fallu passer à l’application pratique, chacun à découvert des réalités bien loin des images qu’il avait formées. La déception a été, à la mesure des espérances, immense.
En revanche, dans le domaine de la politique internationale, la vision avant-gardiste du nouveau maître du Kremlin fera des merveilles. Convaincu que l’énergie employée à entretenir la guerre froide pourrait être réorientée utilement vers les réformes intérieures et que la dissuasion nucléaire faisait courir un grand risque à l’ensemble de l’humanité, Mikhaïl Gorbachev lance alors des initiatives visant à provoquer une réelle détente dans les relations entre les deux blocs. A-t-il conscience à ce moment qu’il est en train de préparer la fin de l’Union Soviétique ? Certainement pas, car ce n’est pas son objectif. Il veut réorganiser et moderniser le système existant, pas le remplacer.
Pourtant, il s’agit d’un tournant stratégique de première importance. Il ne peut qu’être motivé par une nouvelle vision du monde en contradiction avec celle des dirigeants soviétiques qui l’ont précédé. Elle est d’ailleurs également en contradiction avec la vision qui domine dans le monde occidental. Certains analystes comme Gérard Grasset ont parlé d’intuition « l’intuition fulgurante des intérêts généraux, la conviction aussitôt acquise et fermement assurée[6] ».
En effet, dès le début de son mandat, il renvoie les dirigeants des républiques soviétiques à leurs responsabilités, d’une façon qu’il expliquera plus tard. En 1995, le président américain George H.W. Bush avait invité les acteurs de ce grand changement géopolitique, Mikhaïl Gorbachev, Margaret Thatcher et François Mitterrand à une réunion dans un hôtel du Colorado. Au cours de cette réunion, Mikhaïl Gorbachev expliquait la position qu’il avait adoptée avant même de devenir officiellement secrétaire général : « Dès les obsèques de Tchernenko, j’ai prévenu les dirigeants des pays de l’Est : je tiens à ce que vous sachiez que nous respecterons désormais les principes d’égalité entre les états et de non-ingérence dans la politique intérieure de nos voisins, principes que nous n’avons jamais réellement appliqués jusqu’ici. Vous êtes donc responsables du bon fonctionnement de vos institutions. Nous avons besoin de la perestroïka et nous allons l’appliquer chez nous. Libre à vous d’en faire de même.[7] »
Il s’agit d’une prise de position de première importance. La Russie renonce à imposer sa loi par la force dans les pays du pacte de Varsovie. Ce jour-là, vraisemblablement sans en avoir conscience, Mikhaïl Gorbachev vient de décider la fin de l’Union Soviétique. En effet, s’il avait employé la force, aucun de ces pays n’aurait pu résister.
La suite sera logique : le 8 décembre 1987, Mikhaïl Gorbachev et Ronald Reagan signent le traité de Washington sur les armes nucléaire à courte et moyenne portée. En mars 1988, les deux hommes se retrouvent à Genève. La Russie annonce son intention de se retirer d’Afghanistan. Le retrait sera effectif un an plus tard.
Le grand symbole sera, évidemment la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Elle a été la conséquence d’une évolution de la situation en Allemagne de l’Est que Moscou n’a pas cherché à bloquer. Fidèle à sa philosophie de non recours à la force, il a laissé la direction du pays libre de ses décisions. Mais cette direction n’était déjà plus maitresse de la situation.
Mikhaïl Gorbachev avait la possibilité d’intervenir de façon décisive en Allemagne de l’Est. Il y avait là-bas à ce moment, en 1989, trois cent mille soldats d’élite soviétiques. Il ne l’a pas fait alors que le gouvernement est-allemand était dans l’incapacité de juguler l’énorme vague d’émigration d’Allemagne de l’Est vers la Tchécoslovaquie et surtout la Hongrie qui avait ouvert sa frontière avec l’ouest. Le but final de ces émigrés était évidemment l’Allemagne de l’Ouest, via la Hongrie et l’Autriche.
Ces évènements ouvrent une question d’importance capitale. Mikhaïl Gorbachev va-t-il accepter la réunification des deux Allemagnes et quelle sera la position de ce nouveau pays par rapport à l’Otan. Admettre une Allemagne réunifiée dans l’Alliance Atlantique, c’est y faire entrer un ancien membre du pacte de Varsovie, l’ennemi de la guerre froide.
La question sera discutée à plusieurs reprises entre la Russie et l’Allemagne et entre la Russie et les Etats-Unis. Finalement, Mikhaïl Gorbachev acceptera la réunification et même l’entrée de l’Allemagne réunifiée dans l’Otan si tel est le désir de sa population, mais en échange, il reçoit à plusieurs reprises la promesse verbale que l’Alliance Atlantique ne cherchera pas à s’étendre à l’Est de ses limites du moment.
Le 2 décembre 1989, Mikhaïl Gorbachev et Georges H. Bush se retrouvent à Malte et cette promesse faite initialement par le chancelier allemand Helmut Kohl est confirmée par le président américain. Mikhaïl Gorbachev ne demandera pas de confirmation écrite de cette promesse. Ses concitoyens lui reprochent toujours ce qu’ils qualifient de « naïveté ».
Certains ont vu dans cette date du 2 décembre celle de la fin de la guerre froide. En effet, le communiqué final mentionne que « nous ne nous considérons plus comme des ennemis l’un pour l’autre ».
L’enthousiasme de l’étranger vis à vis de Mikhaïl Gorbachev et de son action trouva une expression concrète dans l’attribution en 1990 du prix Nobel de la Paix.
Mais, parallèlement aux évolutions de la situation internationale, la situation générale à l’intérieur du pays se dégrade de plus en plus. En mars 1990, Mikhaïl Gorbachev lance une réforme constitutionnelle, il crée le poste de président de l’Union Soviétique et limite les pouvoirs du parti communiste et de son chef. Il est élu président le 14 mars par le Congrès de Députés du Peuple pour cinq ans. Il ne finira pas ce mandat et sera, pour l’histoire, le premier et le dernier président de l’Urss.
Les choses bougent aussi dans la République Soviétique de Russie sous l’impulsion de Boris Eltsine, l’adversaire intime de Mikhaïl Gorbachev. La République déclare sa souveraineté le 12 juin et Boris Eltsine se fait élire président de la République Soviétique de Russie. Il est élu au premier tour, au suffrage universel, ce qui renforce énormément sa position politique vis à vis de son adversaire.
Vers la fin de 1990 les attaques politiques contre Mikhaïl Gorbachev se multiplient, venant presque de tous les côtés du spectre politique. Anatoli Tcherniaiev, un de ses mentors politiques et fidèle entre les fidèles, remarquait dans son journal[8] que « Mikhaïl Sergueievich commençait à présenter les symptômes de l’homme traqué ». Il faut dire que, sur le plan économique, la pérestroika était loin d’avoir donné les résultats espérés. Au printemps 1991, le souci principal de Mikhaïl Gorbachev était de trouver des devises pour acheter des vivres à l’étranger.
L’année 1991 qui sera la dernière année de l’Union Soviétique sera, elle aussi, riche en évènements. Elle commence avec une intervention de l’armée rouge qui, contrairement à la politique suivie par Mikhaïl Gorbachev dans les autres pays de l’Union, tente de reprendre, par la force, le pouvoir dans les Pays Baltes qui s’étaient déclarés indépendants fin 1990. Les affrontements les plus violents auront lieu à Vilnius et Riga où ils provoqueront des morts[9]. Face à la réaction de la population et aux manifestations, les différentes troupes soviétiques se retirent finalement. La position de Moscou sera alors très ambiguë laissant l’impression que le pouvoir central cherche à rejeter la responsabilité de ces morts sur des exécutants qui auraient outrepassé les ordres et sur des provocateurs locaux.
Mikhaïl Gorbachev lui-même déclara qu’il n’avait pas participé à la préparation de ces actions et qu’il n’en avait pas donné l’ordre. Sans même aller chercher à savoir si c’est exact ou dans quelle mesure cela l’est, on remarquera, et les citoyens soviétiques l’ont fait, que s’il est possible d’organiser une telle action dans le dos du président, on se demande qui gouverne le pays. Ce qui ne rassura personne.
Boris Eltsine de son côté organisa une « mission de solidarité » du parlement russe à Vilnius et Talline, augmentant sa popularité sur le dos des erreurs du président de l’Urss. Il en profita d’ailleurs, pour réclamer à nouveau sa démission.
Après Vilnius, Mikhaïl Gorbachev abandonna la politique de fermeté à laquelle il avait envisagé de se convertir pendant la deuxième partie de l’année 1990. Une telle politique ne convenait en effet ni à ses convictions ni à son caractère. Mais ce faisant il se retrouva quasiment sans soutien, chacun se sentant trahi, qui par le virage de fermeté, qui par l’abandon de cette politique.
Le référendum du 17 mars 1991 sur la préservation de l’Union Soviétique ne changera rien à la situation politique intérieure. C’était le premier référendum organisé en Union Soviétique et il ne concerna pas les pays Baltes, la Géorgie, l’Arménie et la Moldavie. Il donnera 76,6% de voix en faveur du maintien de l’Urss. Contrairement aux apparences, il s’agissait moins d’une preuve de démocratie que de la tentative presque désespérée d’un pouvoir faible de sauver la situation. Selon les résultats publiés à l’époque, le référendum aurait donné 70% de oui au maintien de l’Urss en Ukraine, pays qui, huit mois plus tard, votait à 90% pour l’indépendance. Ce vote dans une des républiques les plus importantes d’Union Soviétique était un autre élément qui sonnait la fin de la partie.
En politique internationale, Mikhaïl Gorbachev avait aussi de bonnes raisons de se sentir abandonné par ses anciens « amis ». Après la dissolution du Pacte de Varsovie en mars 1991, les dirigeants occidentaux n’avaient plus grand-chose à attendre du Kremlin, ayant obtenu les concessions les plus importantes. De plus, ils commençaient à douter sérieusement de sa capacité à sauver la situation, même avec le soutien financier extérieur qu’il cherchait fébrilement. Au sommet du G7 de Londres, en juin 1991 où il venait demander une nouvelle aide économique, il fut traité avec condescendance et rentra les mains vides.
Dans cette tourmente, Mikhaïl Gorbachev semblait s’accrocher à un projet politique qui pourrait sauver son action, une « Union des Républiques Souveraines ». Il avait obtenu l’accord des neuf républiques de l’Urss à ce Traité d’Union qui redistribuait les pouvoirs en faveur des républiques. Même le Soviet Suprême qui avait beaucoup à y perdre, n’avait pas osé s’opposer à lui de front sur ce projet. La signature finale devait avoir lieu le 20 août 1991.
En août 1991, dans un dernier soubresaut du malade, les opposants conservateurs à la politique de Mikhaïl Gorbachev qui voyaient très bien où sa politique menait le pays ont essayé de prendre le pouvoir. Profitant des vacances du président à Foros, en Crimée, ils coupèrent les communications avec la villa et lui envoyèrent, le 18 août, une délégation lui enjoignant soit de signer une déclaration les chargeant de faire le travail nécessaire (reprise en main énergique, en particulier dans les pays Baltes) ou de démissionner. Mikhaïl Gorbachev refusa les deux options. A Moscou, les partisans de Boris Eltsine et les médias joignirent leurs efforts pour s’opposer au putsch. Ils mirent les putschistes dans l’obligation de faire tirer sur la foule désarmée pour poursuivre leur action ce que, grâce au ciel, ils ne firent pas.
Le putsch d’août 1991 a fini de faire descendre Mikhaïl Gorbachev du piédestal sur lequel l’avaient fait monter les attentes et les espoirs de tout un peuple. Les événement de décembre paraissent maintenant, avec un peu de recul comme la suite logique de ce qui s’est passé alors. Le 8 décembre, les présidents des trois républiques slaves d’Union Soviétique[10] se sont réunis dans la campagne biélorusse, à Belovejskaya Pouchia, près de Minsk et ont signé des documents constatant la disparition de l’Union Soviétique en tant que sujet de droit international.
Plus tard, le 21 décembre les présidents de onze des quinze républiques soviétiques (sans l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, et la Géorgie) entérinaient cette décision et s’entendaient pour que le siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’Urss revienne à la Russie.
Suite à cette décision, Mikhaïl Gorbachev démissionnait de son poste le 25 décembre 1991 confirmant, si besoin en était la disparition de l’Union Soviétique.
Ainsi donc, en une période de moins de quatre ans, Mikhaïl Gorbachev a été la cheville ouvrière de la fin de la guerre froide et de la disparition de l’Urss. Cette guerre qui n’en était pas une à proprement parler s’est terminée également d’une façon non habituelle pour les guerres. Pas de vainqueur, pas de vaincu, pas de conférence internationale qui règle la nouvelle situation, aucun accord formel. Cette absence de reconnaissance est à l’origine de la plupart des problèmes posés aux relations entre la Russie actuelle et l’Occident.
Pour Mikhaïl Gorbachev, l’origine de la fin de la guerre froide est la perestroïka de 1985 qui a tout rendu possible[11], et sa coopération ultérieure avec Ronald Reagan puis Georges H. Bush. Pour les Russes en général, il n’y a aucun doute, ce sont eux et eux seuls qui sont venus à bout du communisme.
Mais les Etats-Unis, eux, se sont arrogé la victoire finale dans la guerre froide. A ce moment, personne ne leur a disputé cette « victoire » car personne en Russie ne semblait vouloir prendre la responsabilité de la chute de l’Urss. Se sentant vainqueurs, ils n’ont éprouvé aucun besoin de modifier leur comportement vis à vis de la Russie, successeur de l’Urss. Bill Clinton a initié une politique d’une incroyable arrogance, favorisée par la faiblesse économique de la Russie des années 90 et son absence de direction politique. Un certain nombre d’habitudes ont été prise, et quand la Russie a voulu siffler la fin de la récréation, son attitude a été considérée comme une agression, alors qu’elle ne faisait que réclamer la place qui, selon elle, lui revenait.
Conclusion
A la fin des années 80 et au début des années 90, Mikhaïl Gorbachev était considéré hors de l’Union Soviétique comme un dirigeant exceptionnel. A l’intérieur, il a énormément déçu et son capital de popularité très élevé en 1985 s’est rapidement érodé pour quasiment disparaître avec 1991. Les citoyens russes voient en lui essentiellement, le fossoyeur de l’Union Soviétique. Beaucoup d’historiens qui le créditeront d’une vue d’ensemble parfois pénétrante lui reprocheront une énorme faiblesse au niveau de l’exécution. Il n’a, en effet pas su apporter toute l’attention voulue à la mise en œuvre pratique de ces réformes qui seront combattues silencieusement mais assez efficacement à l’intérieur de l’appareil du parti. La tentative de putsch d’août 1991 sera le point culminant de cette opposition.
Mais plus que cela, la société russe lui reproche de l’avoir entrainée dans une voie sans issue, voie qui a mené à la destruction de l’Union Soviétique dont personne ne voulait, tout en leur donnant un immense espoir. En effet, tous ont cru que les réformes annoncées faisaient partie d’un plan d’ensemble visant une transformation que chacun jugeait nécessaire. Mais il n’y avait pas de plan.
L’idéalisme, l’excès de confiance en des partenaires mal choisis et une certaine naïveté qui peuvent parfois être des circonstances atténuantes pour le commun des mortels, sont plutôt des éléments aggravants pour un chef d’Etat, surtout un Etat de la taille de l’Union soviétique.
[1] « Dans le jargon du système soviétique, la couche des intellectuels qui n’appartenaient ni à la classe ouvrière, ni à la classe paysanne. Par extension, l’ensemble de l’élite, politique, artistique et culturelle. »
[2] Andrei Gratchev in “Le Mystère Gorbatchev”, Editions du Rocher 2001.
[3] Jeunesses communistes. La quasi-totalité des étudiants faisaient partie du Komsomol jusqu’à l’âge de 24 ans environ. Ensuite, ils pouvaient devenir membres du parti communiste à condition d’être parrainés et après un stage de deux ans comme « candidat ».
[4] Certains historiens russes ont écrit qu’une bonne partie des réformes introduites après 1985 avait été ébauchée par Iouri Andropov.
[5] A propos de cette campagne et de son accueil dans la population, Mikhaïl Gorbachev qui ne dédaigne pas retourner l’humour contre lui-même raconte cette blague : « dans la file d’attente d’un magasin, deux hommes discutent et l’un déclare, j’en ai marre de faire la queue ainsi pour une bouteille de vodka, je vais aller au Kremlin cracher à la gueule de Gorbatchev. Il revient quelques temps après et son ami lui demande, alors tu lui as craché à la gueule ? Non fait l’autre, la queue là-bas est encore plus longue qu’ici. »
[6] Philippe Grasset, “Faits et Commentaires” du 6 décembre 2008, in www.dedefensa.org
[7] Nathan Gardels, in The WorldPost, 09/11/2014
[8] Anatoli Tcherniaiev « Sovmestnyi iskhod. Dnevnik dvukh epokh 1972-1991 gody » Rosspen, Moskva, 2008. (en russe)
[9] L’assaut contre la tour de la télévision de Vilnius fera 14 morts.
[10] Boris Eltsine, pour la Russie, Leonid Kravtchouk, pour l’Ukraine et Stanislaw Chouchkievitch pour la Biélorussie
[11] Interview de Mikhaïl Gorbatchev par By Katrina vanden Heuvel et Stephen F. Cohen, publiée dans l’édition du 16 novembre 2009 du magazine américain “The Nation”
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