Comme l’écrivait mon ami Virgile Thomas dans son article du 16 août dernier, « Il est un peu tôt pour parler d’un retour au calme définitif » en Biélorussie, mais nous venons de vivre deux semaines de calme relatif dans les rues. Pendant ce temps, on s’agitait dans les chancelleries et les médias.

Sur le terrain, Alexandre Lukashenko a montré sa détermination à s’opposer aux interventions étrangères, y compris au péril de sa vie (« à moins que je ne disparaisse, il n’y aura pas de nouvelles élections »). La chaîne Nexta Telegram qui avait initialement appelé en fin de semaine à une manifestation pacifique, a changé son mot d’ordre, recommandant la prise du palais présidentiel par la force. A leur arrivée sur place, les émeutiers se sont trouvés face à une haie de policiers anti-émeute en tenue de combat, spectacle impressionnant. Après une courte période d’hésitation, ils se sont retirés. Plus tard, Alexandre Lukashenko est descendu d’un hélicoptère une kalachnikov à la main, en tenue de commando et gilet pare-balles pour féliciter l’unité anti-émeute qui avait protégé le palais présidentiel. L’image a fait sourire en Occident (certains médias ont parlé d’accès de folie) mais elle a porté dans le pays.

A l’annonce de sanctions contre son pays et contre lui, le président biélorusse a demandé à son gouvernement de préparer un plan de modification des importations excluant le port de Klaipéda (la Biélorussie assure près de 30% du trafic de ce port lituanien) et de cesser totalement les importations de produits agricole polonais réexportés vers la Russie, ce qui représente également un chiffre d’affaire important.

Pour ce qui est des velléités d’intervention étrangère, la Russie a mis son poids dans la balance. Il y a eu plusieurs conversations téléphoniques entre les présidents des deux pays, et à l’issue de l’une d’elles, le site du Kremlin a publié la mise au point suivante : « Le côté russe a réaffirmé sa volonté de porter l’assistance nécessaire pour résoudre les défis auxquels la Biélorussie doit faire face, sur la base des principes inscrits au Traité pour la Création d’une Union des deux pays, de même que dans le cadre du Traité de l’Organisation de Sécurité Collective, en cas de nécessité ». Voilà fixé le cadre juridique d’une éventuelle intervention russe.

D’autre part, dans un entretien exclusif accordé à l’émission « Les nouvelles du samedi avec Serguei Brilliov », Vladimir Poutine a indiqué qu’il avait ordonné, à la demande expresse d’Alexandre Lukashenko, la constitution d’une unité spéciale prête à intervenir, exclusivement en cas de violation des frontières biélorusses. Il a également expliqué qu’à son avis le refus de l’OSCE d’envoyer des observateurs pour l’élection du 9 août était la preuve que quelque chose se préparait dès avant l’élection.

La situation peut maintenant évoluer vers une situation calme. Mais le soutien russe ne sera pas sans contreparties solides. Certains ont parlé du départ du ministre des Affaires étrangères Makei, un russophobe assumé, mais le plus grand russophobe en Biélorussie est sans doute Alexandre Lukashenko lui-même. C’est pourquoi beaucoup de commentateurs sérieux s’accordent à dire que si, dans un premier temps, il peut faire partie de la solution, à moyen terme il fait plutôt partie du problème…